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Entretien avec Rudolf Gräf: "Il est essentiel que les architectes comptent sur l'Europe et les organisations nationales pour faire avancer l'architecture sur l'agenda politique".

 

 

Il y a quelques semaines, le CAE s'est entretenu avec Rudolf Gräf pour évoquer l'impact de la Covid-19, le festival 'Street Delivery', le développement urbain à l'épreuve du changement climatique, la qualité des espaces et l'éducation architecturale.

CAE: La crise covid-19 a multiplié les questions sur l'urbanisme et le climat. Selon vous, comment les architectes vont-ils repenser les villes et réinventer les espaces ? 

Rudolf Gräf: Pendant cette crise, nous avons remarqué que les "espaces de proximité", comme les lieux proches du domicile, sont devenus des espaces beaucoup plus importants, surtout lorsqu'on vit dans un quartier à forte densité. Pendant le confinement, nous ne pouvions pas voyager trop loin, il était donc important de pouvoir avoir une activité à proximité, près de chez soi. Cela a également montré que la conception des rues en ville, en particulier, n'était pas à la hauteur de la tâche. La façon dont nous avons conçu les rues au cours des 50 dernières années manque de multifonctionnalité, d’équipement et de microclimat pour des activités en plein air locales et agréables. Tout le monde ne peut pas avoir un parc ou un terrain de jeux à moins de 10 minutes à pied de son domicile. Et tout le monde ne peut même pas marcher 10 minutes. Beaucoup de personnes n'ont ni l’âge, ni la force de le faire. Face à toutes ces situations, la rue doit être capable elle-même de prendre le relais et de s'adapter.Les architectes ne sont généralement pas impliqués dans la conception des rues. C'est plutôt considéré comme un domaine de travail de moindre niveau, contrairement aux lieux historiques et symboliques que nous aimons concevoir. Je pense qu'il y a beaucoup de travail à faire dans ce domaine pour les architectes également, et je pense que les écoles d’architecture, en général, ne sont pas très douées pour transmettre ce type de connaissances.
D’autre part, lorsque nous pensons aux implications directes du Covid-19, comme l'éloignement physique (social), cela démontre que la capacité de nos espaces est élargie, comme les trottoirs, en effet même pour le plus petit endroit où 5 à 10 personnes peuvent se rencontrer - ils ont besoin d'une taille différente de ce qu'ils ont maintenant, s'ils l’ont déjà. 


CAE: Parlons du festival urbain ‘Street Delivery’, un événement dont la mission est de rendre les rues de la ville plus accessibles à ses habitants plutôt qu'aux voitures. 


Rudolf Gräf: C'est une bibliothèque qui a lancé le concept de ‘Street Delivery’ parce qu'ils voulaient que leur rue soit plus vivante. À Bucarest, la chance a voulu qu'elle se trouve dans la même rue que l’Ordre des architectes. Ils ont mis en perspective la question de la qualité des rues pour les piétons afin de donner de la vie dans la rue. Ils ont abordé le sujet très tôt, comme des personnes intéressées par l’obtention d’une bonne rue. Il a fallu beaucoup de temps pour sensibiliser les maires et les professionnels.  Même aujourd'hui, en Roumanie du moins, les urbanistes, qui sont formés comme tels, ne comprennent pas le défi, ils ne voient que la perspective technique.  Les architectes, en revanche, le voient très souvent sous l'angle du concept. Très peu d'entre eux peuvent l'envisager d'un point de vue social, dans la perspective d'une amélioration du microclimat et de l'atténuation du changement climatique, car c'est un grand sujet pour l'année prochaine. Je pense que nous devrions développer davantage ce thème pour l'avenir.  A mes yeux, une rue est de qualité lorsqu'elle est conçue pour les plus faibles. Si le membre le plus faible de la société peut utiliser une rue en toute sécurité, cela signifie que vous ne faites rien de mal. En tant que société, il est essentiel d'avoir cette empathie. Dans la conception des rues, cela montrerait beaucoup à quel point on pense aux autres. 


CAE: Quels sont les plus grands défis à relever pour mettre en œuvre une approche de développement urbain à l'épreuve du changement climatique ? 


Rudolf Gräf: Tout d'abord, je pense que le plus grand défi est celui de la sensibilisation. La prise de conscience qu’un tel phénomène n'est pas un événement exceptionnel, à l’image de la tempête que vous avez connue l'année dernière dans votre ville. Beaucoup de gens vivent avec l'espoir qu'il s'agissait d'un événement isolé, que cela n'arrive qu'une fois tous les 50 ans. Or, ce n'est plus le cas, et le fait d'être conscient que ces records d’intempéries se répéteront encore et encore, est une chose très importante.  Enfin, au-delà du concept stratégique, il faut s'assurer que tous les projets mis en oeuvre par la municipalité répondent à certaines des questions soulevées par le changement climatique. Nous avons besoin d'un instrument administratif pour nous assurer que ce sujet du changement climatique intègre chaque projet implémenté.  A mes yeux, en terme de changement climatique, le très grand problème de demain sera la pénurie d'eau. L’accès à l'eau sera, pour de nombreuses régions du monde, un véritable défi pour les temps à venir, avec de réelles implications géopolitiques et militaires. L'accès à l'eau est une chose pour laquelle l’humanité est habituée à se battre depuis longtemps, mais nous l'avons oublié. Je pense que cela reviendra avec beaucoup d’intensité.        


CAE: Ces dernières années, vous avez travaillé avec Helsinki Zürich sur une nouvelle procédure de développement urbain basée sur le concept de gestion de l’aménagement urbain. Pouvez-vous nous en dire plus sur les nouveaux outils que vous développez pour l'engagement des parties prenantes, les contrats de développement urbain, le partenariat public-privé et la planification coopérative ? 


Rudolf Gräf: L'idée de notre projet était de contraindre les acteurs de l’urbanisme à communiquer davantage entre eux, et de renforcer la partie informelle de la planification urbaine. L'un des problèmes au niveau de l'urbanisme est que le développement est une question qui ne concerne que l'investisseur, le promoteur et l'administration, par exemple, en laissant de côté une grande partie de la société. Nous manquons également d'outils, en tant qu'administration par exemple, en tant que société, pour gérer les parties de la ville où il y a beaucoup de propriétaires fonciers; tous sont des parties prenantes dans une certaine mesure, chacun d'entre eux veut faire un profit de son terrain et pendant ce processus, nous ne parvenons pas à coordonner tous ces investissements et ce développement. Nous n'arrivons pas à construire une ville qui fonctionne comme une ville, une ville qui peut véritablement répondre aux questions soulevées, une communauté qui peut apporter son soutien et qui fonctionne comme une communauté.  Cette question de la coordination de la planification urbaine était au centre de la discussion, et le processus de conception urbaine consistait essentiellement à élaborer une procédure à partir de plusieurs ateliers pour rassembler tout le monde, et pas seulement d’essayer de construire un compromis. L'idée est de générer une valeur ajoutée pour toutes les parties concernées. L'approche de la mise en œuvre est également très importante, de sorte qu'en suivant simplement les étapes de la procédure, l’objectif n’est pas atteint, car le domaine de travail est tellement sensible, c’est un travail qui implique beaucoup de personnes, avec beaucoup d'intérêts, donc cela dépend aussi de qui le fait. Mais l'idée globale était de montrer au moins quelques lignes directrices sur la façon dont un processus peut ressembler, qui apporte véritablement une valeur ajoutée pour toutes les personnes impliquées, et ce faisant, de construire une ville qui peut répondre à des questions comme l'atténuation du changement climatique, ou celle que nous vivons avec le COVID-19 : une ville habitable qui peut fournir un soutien à la vie de ses citoyens. 


CAE: Quelle est votre définition d'un espace de qualité ?

Rudolf Gräf: Il doit s'agir d'un espace où le plus faible peut être libre, et non soumis à des menaces, des dangers et des risques, un espace qui permet aux membres les plus faibles de notre société de vivre leur vie de la manière la plus indépendante possible. 

CAE: Quels sont les avantages d'investir dans notre patrimoine ? 

Rudolf Gräf: Souvent, lorsque nous parlons de patrimoine, nous parlons d'objets, comme les monuments protégés, mais nous bénéficierions davantage du patrimoine si nous considérions les quartiers historiques comme des écosystèmes sociaux et économiques dans leur ensemble. En les considérant comme des organismes vivants, nous verrons qu'ils offrent beaucoup d'espace, non seulement pour la mémoire, l'identité et l'histoire, mais aussi pour l'investissement et la croissance au sens économique le plus classique. Ils offrent beaucoup d'espaces où l’on peut générer de nouvelles choses. La ville de Graz où j'ai étudié, par exemple, dont la partie historique est inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO, possède certains des exemples les plus spectaculaires d'architecture contemporaine construits en Europe. C'est un très bon exemple illustrant le fait qu'une ville historique, quelle que soit sa valeur du point de vue historique, peut encore offrir un espace pour le développement et la vie contemporaine, et j'entends par là également l'architecture contemporaine. Pour ce faire et pour obtenir ce type de résultat, il faut avoir une relation très ouverte avec sa ville historique. Il faut aussi être très ouvert et équitable en ce qui concerne ses attentes pour sa ville dans sa globalité. Nous voulons tous que nos villes soient des lieux productifs, des lieux agréables, nous voulons tous de la richesse économique. Bien sûr, la question clé est de savoir comment cela peut se réaliser et les quartiers historiques sont un excellent moyen d'avoir un développement urbain durable, car on peut densifier des lieux déjà construits, on peut construire une identité sans effacer celle qui existe et on peut aussi s'appuyer sur des structures et des espaces déjà existants et sur des ressources humaines.  Le sujet peut être légèrement différent en Europe de l'Est par rapport à l'Europe de l'Ouest, car les villes d'Europe de l'Est ont connu une période de cinquante ans très difficile pour les zones historiques. Les villes d'Europe occidentale ont dû faire face à cette situation, mais la fracture n'était pas si importante, surtout la fracture sociale. Je pense qu'il y a beaucoup de villes en Europe de l'Est, par exemple en Pologne, mais aussi en Roumanie, comme Sibiu ou Timisoara, où les quartiers historiques, étaient alors une partie négative de la ville, avec de mauvaises infrastructures, des bâtiments décadents, beaucoup de problèmes. Ils sont désormais plébiscités au cours des 25 dernières années et sont maintenant à nouveau le symbole des villes et le noyau des villes d'Europe de l'Est. Cela montre à quel point les centres historiques sont résiliants en fin de compte. Les villes peuvent surmonter de longues périodes de bouleversements économiques et politiques, et nous avons vu qu'après des décennies de négligence, les villes ont la capacité de rebondir! 


CAE: Pouvez-vous nous en dire plus sur votre projet lié à la revitalisation du patrimoine en Roumanie? 


Rudolf Gräf: C'est plutôt un mécanisme financier qui a permis pour la première fois en Roumanie, à des propriétaires privés d'obtenir un soutien financier de l'administration publique afin de rénover leurs bâtiments historiques. C'était un projet pionnier, nous avons travaillé dans la phase de conception et dans la phase de mise en œuvre, au sein d'une équipe plus importante, ce fut une expérience très précieuse pour nous car nous avons compris qu'il ne suffit pas de dire que le patrimoine est protégé.  Il ne suffit pas de dire ce qui est interdit ou non dans cette zone, il faut avoir de véritables mécanismes pour soutenir l'investissement dans le patrimoine et les personnes qui vivent dans cette zone historique, propriétaires ou locataires. Le patrimoine appartient à tout le monde, mais on ne peut pas s'attendre à ce que des simples habitants maintiennent la splendeur de certains bâtiments de plus de 100-150 ans. Bien sûr, vous avez toujours la possibilité de laisser le marché décider, de sorte que tous les habitants déménageront, les prix augmenteront, les gens qui ont de l'argent achèteront et spéculeront et garderont leur appartement vide pendant de nombreuses années, juste pour attendre un prix plus élevé et le vendre. Mais vous ne voulez pas de cette mauvaise situation pour la revitalisation sociale du quartier. Chaque autorité publique devrait être intéressée à soutenir les propriétaires et les locataires des quartiers historiques. Bien sûr, il est normal qu’il y ait des flux entrant et sortant, c'est une ville vivante. Nous avons appris de ce projet qu'il est très important de ne pas laisser la revitalisation des quartiers historiques au marché seul. C'était une grande tendance dans les années 90/2000, surtout en Europe de l'Est.   

CAE: Comment percevez-vous le vieillissement de vos bâtiments ? 


Rudolf Gräf: Nous avons construit notre bureau dans une ancienne installation de chauffage avec peu de budget, donc la question de la durabilité et des matériaux était essentielle. D'une part, si vous savez comment choisir vos matériaux pour bien vieillir, c'est une excellente chose et cela ne devrait pas être un problème de voir le processus de vieillissement.  En général, nous, les architectes et la société, prenons le temps de nous habituer au vieillissement des matériaux, nous acceptons que la pierre vieillisse, que le bois vieillisse, mais nous avons beaucoup de mal à accepter que le plastique jaunisse en vieillissant. Je ne sais pas si nous l'accepterons avec le temps, car le plastique peut tenir éternellement, c'est un très bon matériau, il est difficile à détruire, mais il est très laid en vieillissant. La question du vieillissement est intéressante parce qu'elle dépend aussi de l'usage que nous faisons d'un matériau qui vieillit.  


CAE: Qu'est-ce qui différencie votre travail des autres exercices contemporains? 

Rudolf Gräf: Je peux m'identifier davantage au contexte roumain. En qui concerne notre bureau d'architecture, l'important était de ne pas s'enfermer dans l'image des architectes "créateurs", c'est l'image avec laquelle on grandit à l'école. Lorsque j'ai commencé mes études d'architecture en Roumanie, je ne comprenais même pas l'aspect collectif de la pratique. Je l'ai appris seulement quand j'ai déménagé en Autriche pour mes études, oui on peut travailler en grandes équipes et que le plus important n'est pas de défendre son idée, mais d'être capable de nourrir d'autres idées, de les intégrer dans sa façon de faire, dans sa vision. Donc, quand nous avons créé le bureau, il était très important pour nous de ne pas fixer un style sur certaines choses que nous voulons faire, mais d'aborder vraiment les choses de manière pragmatique, donc quand quelqu'un cherche une solution, nous voulons trouver une solution à ce problème, peu importe que ce soit une rue, un bâtiment historique ou un nouveau bâtiment, l'important est de trouver une solution, ce n'est pas une question de style ou d'être reconnaissable. Je veux croire que toutes les solutions que nous trouvons, nous les trouvons ensemble avec les personnes pour lesquelles nous travaillons dans ce contexte. Une partie importante du processus de recherche des solutions est de pouvoir se réunir avec votre client et de définir le problème sur lequel vous travaillez. Très souvent, lorsqu'un client vient avec une question ou un problème à résoudre, il semble que nous répondions au même problème, mais ce n'est pas le cas. Il est important de s'assurer que la réponse que vous donnez porte sur la même question et non sur une question différente. Je pense que la partie du processus de conception est importante. J’aimerais consacrer plus de temps à cette partie de conception participative dans notre travail, parce que très souvent il y a un manque de temps, et c’est dommageable. 


CAE: Selon vous, quelle est la pertinence des politiques architecturales ?

Rudolf Gräf:  Il y a dix ans, en Roumanie, il y eut une initiative de politique architecturale que l'Ordre a présentée au Ministère du Développement et au gouvernement. À l'époque, personne ne comprenait vraiment ce que devait être la politique architecturale. Entre-temps, les choses ont évolué, et je pense qu'il est essentiel que les architectes comptent sur l'Europe et les organisations nationales pour positionner l'architecture à l'ordre du jour politique, non pas comme une question de conception des bâtiments, mais comme une question de conception de notre environnement bâti.  Ici, je vois aussi des lacunes en terme d ‘éducation qui laisse de côté beaucoup de concepts. Il y a un risque qu'à un certain moment nous ne comprenions pas l'environnement bâti comme un système.  Beaucoup d'universités voient l'architecture comme une question de conception des bâtiments et c'est quelque chose que nous évitons dans notre bureau. Je pense qu'il serait bon qu'au niveau européen, le sujet de l'architecture soit l'architecture de l'espace et non l'architecture des bâtiments. Il est important de promouvoir cette approche et c'est quelque chose que seules des organisations comme le CAE pourraient faire. C'est aussi très important pour la visibilité de la profession dans son ensemble. 


CAE: Vous êtes un Mentor du programme scolaire CANactions SPACES. Le programme SPACES (Spatial Planning for Accessibility, Cooperation and Economic Sustainability) se concentre sur l'application des pratiques européennes de coopération inter-municipale et des outils d'aménagement du territoire sous-régionaux à un groupe de communautés territoriales constituées qui fonctionnent dans la réalité. Pouvez-vous nous en dire plus ? 


Rudolf Gräf: Il y a quatre ans, j’ai eu l'occasion de collaborer avec une initiative ukrainienne pour une plate-forme éducative. En Ukraine, il y a l'un des plus grands festivals d'architecture de l'Europe de l'Est depuis plusieurs années. Cela se traduit par cette plateforme éducative, avec un programme de formation de cinq à six semaines, qui mets l’accent sur des sujets comme le développement urbain intégré ou la planification régionale. C'était une grande opportunité car ils se considèrent comme faisant partie de la réforme que l'Ukraine entreprend depuis 2014, cette nouvelle Ukraine qui est dynamique et qui peut changer les choses et faire vraiment les choses. Pour moi, c'était aussi un programme qui contribue à cette évolution de l'Ukraine vers l'intégration européenne. Étant moi-même originaire d'Europe de l'Est, je comprends l'importance de ne pas être abandonné par l'Europe entre le passé soviétique et un éventuel avenir européen. Ce qui est formidable dans ce programme, c'est qu'il réunit des représentants de l'administration publique, venant des zones rurales ; cette année, nous travaillons avec six hromadas fusionnés, qui sont plusieurs agglomérations regroupées dans le cadre d'une grande réforme que l'Ukraine entreprend pour être plus efficace en termes d'administration. Pour l'espace, nous avons fait envoyer des propositions pour plusieurs régions et nous avons choisi une région spécifique avec six hromodas dans la région des Carpates en Ukraine. Nous avons travaillé avec des représentants de ces localités, hromadas, et avec des praticiens de l'espace d'Ukraine, donc de jeunes professionnels qui travaillent dans le domaine de l'urbanisme, soit dans l'aménagement du territoire, la géographie, la sociologie, etc.  
Ce que nous faisons avec eux, c'est essentiellement de développer un plan d'action pendant ces cinq/six semaines qui améliore la qualité de vie dans ces régions et d'examiner ce qu'ils ont en commun. Nous utilisons donc l'espace comme dénominateur commun pour voir quels sont les espaces communs d'action, quels sont les projets de coopération nécessaires pour que ces espaces les plus potentiels soient précieux, dans quelque sens que ce soit, pas seulement financier, nous nous efforçons donc de les aider à trouver leur nouvelle identité en tant que groupe d'établissements qui travailleront ensemble à l'avenir et d'aborder ce sujet dans une perspective spatiale et de leur donner une compréhension commune de l'espace qu'ils habitent ensemble et des ressources dont ils disposent ensemble. En conclusion, nous aurons au moins un projet de plan d'action, une liste de projets sur lesquels ils pourraient coopérer, qu'ils pourraient mettre en œuvre ensemble, des projets qu'ils ne peuvent faire qu'ensemble et non séparément. 


CAE: L'éducation architecturale est la clé d'un avenir durable. Quelles sont les nouvelles tendances et les nouveaux courants qui se dessinent ?

Rudolf Gräf: Je vois un intérêt plus large pour le thème de l'espace et de la société, et pas seulement pour la conception et les bâtiments. Je vois un champ d'application plus large et une compréhension plus profonde de ce qui fait que l'architecture soit de l'architecture. La compréhension de cette interconnexion entre l'espace et la société qui s'exprime dans l'architecture est bien meilleure maintenant qu'elle l'était lorsque j'ai commencé mes études.  Je voudrais faire référence à une initiative étonnante en Roumanie, depuis plusieurs années maintenant, appelée De-a Arhitectura, qui introduit la pensée architecturale dans les premières classes d'école, pour les enfants de 5 à 10 ans. C'est un projet étonnant avec des résultats étonnants réalisé grâce à un grand nombre de bénévoles. À mon avis, c'est le projet éducatif le plus réussi de Roumanie et même le projet architectural le plus réussi que j'ai jamais vu.          


CAE: Quels sont vos conseils pour les jeunes architectes ?

Rudolf Gräf:  Ce serait faire preuve d'empathie envers les occupants de votre bâtiment, envers vos collègues et envers votre environnement social, naturel et historique dans lequel vous construisez. C'est important, et c'est quelque chose que vous pouvez aussi étudier, certains le font naturellement, d'autres non, mais je pense que cela devrait faire partie de l'éducation. A mes débuts, il n'y avait pas d'Erasmus. La Roumanie ne faisait alors pas partie de l’UE. Seuls certains d'entre nous ont eu l'occasion d'étudier à l'étranger. Depuis lors, dans notre bureau, tous les membres de la jeune génération ont étudié à l'étranger dans le cadre d’Erasmus. Je pense que c'est l'une des meilleures choses que l'on puisse faire. Je l'ai encore vu en Ukraine qui n’avait pas, selon moi, accès à l'éducation européenne avant 2017. Il aujourd’hui beaucoup plus facile pour les étudiants d'étudier et de voyager en Europe.  Je l'ai vu en Roumanie et en Ukraine aussi; cette ouverture vers l'Europe est une grande opportunité pour beaucoup de jeunes et de personnes intelligentes. Je pense que le retour dans son pays d’origine n'est pas du tout difficile, au contraire, on peut revenir avec un regard neuf sur les choses.         ​

Lire l'entretien en roumain.

A PROPOS
Rudolf Gräf est un architecte diplômé de l'université de technologie de Graz (TU Graz), co-fondateur du bureau Vitamin Architects à Timișoara. Il a travaillé dans le cadre de projets de coopération internationale entre l'Allemagne et la Roumanie ainsi qu'entre l'Allemagne et l'Ukraine, en se concentrant sur des projets intégrés d'urbanisme et de revitalisation du patrimoine à l'épreuve du climat.


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