Dans le cadre de la Conférence Internationale du CAE et de l'UIA sur les concours d'architecture, Friedrich Passler nous a accordé un entretien pour évoquer la qualité dans l'environnement bâti, les concours d'architecture, les régulations et les nouvelles tendances.

CAE: Le mois dernier, vous avez participé à la Conférence Internationale organisée par le CAE et l’UIA à Paris. Quelles sont les opportunités offertes par les Concours d’Architecture ? Comment peut-on améliorer les procédures ?  

Friedrich Passler : 'Tout d’abord, nous avons pu déveloper une entreprise remarquable à dimension internationale sur la base des concours architecturaux. Mais il existe bien d’autres avantages liés aux concours. Un point important est la qualité même du projet, que l’on peut conserver tout en développant le projet avec son client. Cette qualité sera beaucoup plus élevée qu’en traitant via une commission directe. Et plus important encore : les concours assurent un regard frais et neuf. Nous développons de nouveaux concepts pour des tâches en constante évolution et pour différents sites et contextes dans plusieurs pays à travers l'Europe. Nous expérimentons et essayons des choses, comme de nouvelles typologies pour différentes tâches. Et nous passons ainsi notre vie et nos heures de travail à faire des choses qui nous plaisent, des choses qui nous rendent fiers, des défis à relever sans nous ennuyer. Néanmoins, une piste d’optimisation importante pour les concours concerne la réduction du niveau de détail demandé dans la conception. Au final, il s’agit de trouver le projet avec le meilleur potentiel et le concept le plus fort, pas celui qui est le meilleur dans la réalisation de chaque détail au niveau de la demande fonctionnelle et technique.'

CAE: Avec votre projet WAS, Maison de la Vie, le quartier près du parc Hannah Arendt à Seestadt Aspern, vous avez remporté le Prix National d’Architecture et de Développement Durable. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet, en particulier dans quelle mesure il est une solution architecturale face au changement climatique ? 

Friedrich Passler : 'Le principal aspect de ce projet n’est pas sa durabilité dans l’acceptation habituelle du terme. Il s’agit dans ce projet de durabilité sociale dans le sens inclusion, voisinage, communication et communauté. De toute évidence, le bâtiment est compact, bien insolé et très économe en énergie – les normes autrichiennes en la matière sont très exigeantes. Mais l’aspect principal était de créer un complexe de bâtiments avec cinq maisons, donnant à chaque maison et au complexe dans son ensemble des outils pour permettre la vie en communauté, à partir d'un nombre réduit d'appartements dans chaque maison, des espaces de circulation lumineux et vastes, permettant les rencontres et la communication, des espaces communs pour chaque maison et l'ensemble du complexe, le jardin de la cour commune centrale avec une aire de jeux pour les enfants et aux deux premiers étages une utilisation mixte et une flexibilité avec des espaces commerciaux et des bureaux dans une artère urbaine flexible. '         

CAE: Comment voyez-vous vos projets vieillir ?

Friedrich Passler : 'Les bâtiments doivent vieillir dans la dignité. Leur patine au fil des ans devrait les rendre meilleurs et non pas pires. Nous tenons toujours compte du vieillissement comme facteur important et nous sommes en mesure de réaliser nos objectifs.'  

CAE: Selon vous, quelle est la pertinence des politiques architecturales ?

Friedrich Passler: ' Dans la plupart des cas, les réglementations et les politiques avec lesquelles nous devons travailler ont du sens. Surtout celles en matière de sécurité. Certaines sont toutefois excessives. Dans notre travail, nous les prenons comme un défi, nous essayons de trouver des façons intelligentes de les traiter, comme une source d’innovation.'  

CAE: Vous venez d’ouvrir un nouveau bureau en Allemagne. S’agit-il d’un moyen d’accès aux marchés internationaux? Ou de gagner en visibilité ?

Friedrich Passler: ' C’était principalement une nécessité après avoir remporté trois concours à Munich. En outre, il nous semblait important d'avoir un meilleur accès au marché allemand. En terme de visibilité, l’emplacement ou le nombre de bureaux ne me semble pas crucial.'

CAE: A vos yeux, à quoi ressemblera l’architecture dans les années/décennies à venir ? Quelles sont les nouvelles tendances ?

Friedrich Passler : 'Dans le domaine architectural et en matière d’urbanisme, le développement durable va devenir déterminant. L’efficacité énergétique des bâtiments ne représente qu’une partie de ce besoin. Plus important encore, est la réduction de l'énergie grise dans le processus de construction ainsi que la priorité à des structures durables sur le très long terme. Il s’agit de ne pas oublier la durabilité sociale au sens le plus large. ' 

CAE: AllesWirdGut se base sur l’optimisme. Quel est le concept derrière ce nom, pouvez-vous nous en dire plus sur cette philosophie dans l’approche conceptuelle ?

Friedrich Passler : ' En réalité, le nom de notre société est davantage lié à nos conditions de travail en tant qu’architecte qu’à une approche de conception particulière. Les architectes ont un travail difficile avec de grandes responsabilités et des risques. Il est important de savoir qu’au final tout se passera bien, et si ce n’est pas le cas, ce n'est pas la fin du monde.'   

CAE: Alejandro Aravena recommende aux jeunes architectes d’être aussi  libres, nerdy et rebelles que possible. Quels conseils leur donneriez- vous?

Friedrich Passler : 'Faites ce que vous pensez être le meilleur. N'essayez de plaire à personne.'

A SON PROPOSFriedrich Passler a étudié l'architecture à l'Université de technologie de Vienne, avec un an à l'étranger à l'Université McGill à Montréal. Après avoir travaillé dans divers cabinets d'architecture en Autriche et aux Pays-Bas, il a co-fondé AllesWirdGut à Vienne en 1999 avec Andreas Marth, Christian Waldner et Herwig Spiegl. Ils ont ouvert le siège à Munich en 2015. Friedrich Passler est intervenu lors de la Conférence internationale CAE-UIA sur les concours d'architecture, le 25 octobre 2019, au siège de l'UNESCO, à Paris.

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